Fabrication des clavecins
Une technique exceptionnelle, inspirée de la haute qualité d’époque, génère des instruments qui dépassent le temps.
Clavecins
Je réalise la fabrication de clavecins d’époque. Je les fais exactement comme des copies conformes de ceux des siècles passés.
Ceci est fait pour assurer une excellente qualité et un son parfait. Les instruments anciens étaient d’excellente qualité. La fabrication moderne a aussi de bons instruments, mais le son est très différent entre ceux fabriqués avec des techniques anciennes et ceux fabriqués en utilisant des techniques modernes.
Comment cela se passe-t-il ?
On part d’un plan. Soit on le fait soi-même, soit (heureusement) les musées qui ont des instruments publient des plans. J’en ai d’ailleurs fait un pour le musée de Colmart, une épinette [épinette désigne un type de petit clavecin].
On a aussi fait un plan pour un instrument de Milan. Chris qui a restauré le Ruckers a fait un plan qui est disponible. Il y en a certains qui sont faits par des musées et d’autres par des facteurs de clavecin. La différence, c’est que le plan des facteurs ont beaucoup de détails qui intéressent la construction, comme le sens du bois, la distance des cernes du sapin, l’orientation des fibres, des choses comme ça… On fait un plan de construction en utilisant des méthodes des cartes de géographie.
On fait de la géodésie, on met 3 points géodésiques sur toutes les distances et cela permet de répertorier les courbes. On mesure les épaisseurs. Évidemment, de temps en temps, c’est difficile de mesurer l’épaisseur parce que s’il y a des trous de vers, c’est pratique, mais si elle est en bon état, c’est assez difficile [lol].
On peut trouver d’excellents plans. Les premiers qui ont fait des plans sérieux c’est l’américain William Dowd et l’allemand Wolfgang Zuckermann qui ont commencé à faire de la réclame pour ces instruments anciens.
Je possède un plan de William Dowd, et il est excellent. Par la suite, ces gens-là se sont mis à faire des kits.
Qu’est-ce que l’on peut apporter de moderne dans la fabrication des clavecins ?
Dans la fabrication, à l’époque pour coller à la colle chaude, on chauffait le bois dans une pièce qui était chauffée, les autres n’étaient pas chauffés. On appelait ça La Sorbonne.
Dans mon atelier à Paris, il y avait une cheminée qui se fermait. Elle servait à chauffer les plaques, pour mettre les placages et elle s’appelait la Sorbonne aussi.
Et donc, par exemple, on a inventé (Je ne sais pas si on a inventé) mais on a chauffé les bois avec des infrarouges de salle de bain. Et donc, c’est une application moderne à la technique de fabrication ancienne.
BOIS
J’utilise différents bois selon la partie de l’instrument.
La caisse (la fausse caisse qui se trouve à l’intérieur d’un étui), est en cyprès qui vient d’Italie avec l’extérieur en cèdre, qui est un bois assez léger.
Le chevalet est en hêtre, mais il pourrait également être en bois fruitier.
J’aime beaucoup, aussi, pour faire les caisses, le cèdre colombien, avec un aspect proche de l’acajou, mais beaucoup plus léger.
Sinon, on a appris avec les vieux artisans et les traités, comment on utilisait la colle chaude, comment on faisait les vernis, les rabots, etc.
PLUME
Dans la plupart des clavecins modernes, le bec (le plectre) est en plastique. Ici, comme traditionnellement, le bec est en plume.
Comme je suis en Colombie, j’ai la chance de pouvoir récupérer des plumes de condor, qui sont énormes, environ 50 cm. Heureusement, ils muent et donc, je n’ai pas besoin de les chasser pour avoir les plumes (lol).
L’intérêt de la plume est qu’elle a plus de ressort que le plastique. Cela donne une certaine dynamique, c’est-à-dire la possibilité de varier la puissance du son selon la force avec laquelle on appuie sur les touches. Ce n’est pas énorme, mais il y a quand même une dynamique qu’on n’arrive pas à atteindre avec du plastique.
COLLE CHAUDE
Les clavecins n’ont pratiquement pas d’assemblages, les planches sont collées comme ça, et ça demande d’avoir une colle parfaite. La colle chaude est parfaite.
La qualité des joints est bien meilleure quand c’est fait par une varlope que lorsque c’est fait avec une raboteuse car elle fait de petites vagues alors que le rabot fait un plan absolument parfait. Certains aspects de la facture ancienne donnent un résultat bien meilleur que la fabrication moderne.
Dans la construction historique, on utilise de la colle animale, comme les luthiers [de violons]. Personne n’imaginerait faire un violon avec de la colle plastique. Pourtant beaucoup de clavecins sont fait actuellement avec de la colle moderne.
Un avantage de la colle animale est qu’elle est réversible, c’est à dire que on peut la supprimer avec de l’eau en chauffant. Ça permet de restaurer un instrument. Alors qu’un instrument assemblé à la colle plastique, est beaucoup plus difficile et aléatoire à restaurer.
De plus, la colle entre en symbiose parfait avec le bois. Cela donne à l’instrument des propriétés beaucoup plus intéressantes au niveau acoustique qu’avec une colle synthétique.
CORDES
La longueur des cordes dépend du matériel qu’on utilise. Les cordes d’un clavecin sont faites en laiton. Le laiton a besoin d’une longueur plus courte que le fer. Cela permet de garder l’échelle physique.
Pour garder les propriétés, on doit doubler les longueurs en octaves. Si on descendait très bas dans le grave, on aurait des instruments trop longs.
L’étendue est plus petite dans les clavecins italiens que chez les clavecins français qui, eux, peuvent faire jusqu’à 5 octaves, voire un peu plus. Cela dit, il y a des clavecins italiens très grands, mais alors ils sont très longs…